«Sortir de la crise par le haut (de bilan)» – la tribune de Michel Bon

30/10/2020 - Sources : L'Opinion
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Michel BON © Sipa Press

Pour éviter une épidémie de faillites, il faudra bien transformer une partie des dettes en fonds propres

La crise a gonflé les dettes et laminé les fonds propres. Pour éviter une épidémie de faillites, il faudra bien transformer une partie des dettes en fonds propres. La crise a aussi créé chez les salariés une très forte épargne forcée que les incertitudes sur l’épidémie et le chômage risquent fort de transformer en épargne de précaution inutile pour l’économie.

Le premier intéressé par cette double consolidation est l’Etat qui, dans la crise, est devenu le créancier principal de la plupart des entreprises. L’actionnariat salarié peut participer utilement à cette consolidation. Il s’agit tout simplement de transformer la dette de l’Etat en actions de l’entreprise, par exemple à hauteur de 10 % du capital. Aussitôt l’Etat revendrait aux salariés, à un prix très avantageux, les actions qu’il vient d’obtenir. Voici, sur un cas pratique, comment peut fonctionner un tel mécanisme.

Il décrit une entreprise de bonne taille (100 millions d’euros de chiffre d’affaires et 40 millions de fonds propres), probablement une industrie de transformation (40 % de marge brute). Elle est rentable (10 % avant impôt) et sa situation nette couvre ses immobilisations. Sa dette vis-à-vis de l’Etat représente 20 % de son actif circulant.

La crise de la Covid-19 l’a conduite à fermer pendant tout le confinement, et la reprise a été graduelle, mais avec un effet de rattrapage, ce qui fait que ses ventes 2020 ne seront en baisse que de 20 %, soit 80 millions. Sa marge brute a été un peu affectée et au moment de la reprise, l’entreprise a dû faire quelques rabais pour repartir plus vite. Ses dépenses d’exploitation ont bien diminué grâce au chômage partiel, mais il y a eu des dépenses supplémentaires liées à la crise. Au total, son résultat net est ramené à zéro.

Qui aujourd’hui pense sérieusement que les trois quarts de la dette Covid seront remboursés ?

Bilan. Mais la crise a ébranlé son bilan. Ses fonds propres n’ont pas été accrus par le résultat et ses dettes, plus lourdes, ont changé de physionomie. Le crédit fournisseur a baissé, parallèlement aux ventes, tandis que la dette vis-à-vis de l’Etat augmentait très sensiblement.

Pour y remédier, l’Etat convertit en actions une partie de sa créance, à hauteur de 10 % du capital, soit 4 millions. Le bilan se rééquilibre. Simultanément, il vend aux salariés ces actions qui viennent de lui être attribuées. Pour que cela soit incitatif et puisse concerner tous les salariés, il les vend au quart de leur valeur, soit 1 million, ce qui représente, dans cette entreprise, moins d’un demi-mois de salaire. Les salariés s’engagent en contrepartie à conserver ces actions pendant au moins cinq ans.

En faisant l’hypothèse que grâce à cela et aux efforts de tous les salariés ainsi mobilisés, l’entreprise retrouve dès 2021 sa rentabilité antérieure, sa situation nette fin 2025 passe à 60 millions. Le bilan pour les salariés est très positif : le million d’euros qu’ils ont investi vaudra alors 6 millions d’euros. L’Etat, pour sa part, a récupéré tout de suite 1 million et il en retrouvera encore 1,5 million en impôt sur les plus-values lorsque les salariés revendront leurs actions, soit en tout 2,5 millions sur les 4 millions qu’il a convertis en actions. De plus, par d’autres biais, il bénéficiera de l’impôt sur les sociétés de cette entreprise, nécessairement plus élevé, et des ressources liées aux emplois préservés et au pouvoir d’achat aujourd’hui maintenu et demain accru.

C’est donc au moins les trois quarts de sa dette ainsi consolidée dont l’Etat assure, tout de suite, le remboursement. Qui aujourd’hui pense sérieusement que les trois quarts de la dette Covid seront remboursés ?

Michel Bon est ancien président de Fondact.

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