Depuis près de cinquante ans, la France a développé des outils pour associer les salariés à la bonne marche de leur entreprise. Ce fut l’intéressement, puis la participation et l’actionnariat salarié. Ces outils multiples, sans cesse perfectionnés, et parfois difficiles à manier, font-ils de notre pays une exception ? Que font les autres ? Quelles bonnes idées pourrait-on puiser chez eux ? C’est à ces questions que le groupe présidé par Dominique Welcomme (Directeur du Développement Social de Vivendi) et dont Anne Lemercier (Avocate Associée de Clifford Chance) était le rapporteur a cherché à répondre.
Résumée très brutalement, cette réponse est décevante pour les mécanismes de partage du résultat entre l’entreprise et ses salariés : oui, la France fait bande à part dans cette ambition, et son expérience n’a guère inspiré d’autres pays qui la trouvent trop normative et trop largement obligatoire. Par voie de conséquence, non, il n’y a pas grand-chose à retirer des expériences étrangères dans ce domaine.
En revanche, c’est, de loin, l’actionnariat salarié qui est le plus répandu hors de nos frontières. Rien qu’en Europe, cela représente 370 milliards d’euros. Et ce montant a presque doublé en six ans, malgré la crise. Dans la plupart des pays ont été mis en œuvre des incitations fiscales à la souscription. Et dans chaque pays, on retrouve ce que l’on connaît en France : les entreprises qui ont un actionnariat salarié significatif réussissent mieux que les autres. Pourtant, et cela a de quoi inquiéter, la dynamique n’est pas chez nous, mais à l’étranger, en Angleterre et aux Etats-Unis surtout. Dans ce domaine aussi, le modèle français s’essouffle.
Dans un domaine au moins, les exemples étrangers pourraient nous inspirer, c’est celui de la transmission d’entreprise : très souvent, leurs dispositifs d’actionnariat salarié ont cet objectif (ainsi l’ESOP américain et l’EOT britannique, qui sont massivement utilisés pour la transmission des PME). En France, nous avons, certes, un dispositif législatif en ce sens, mais hélas fort peu de cas concrets d’application.
En dehors de l’actionnariat, les autres méthodes de partage du profit sont très peu répandues (4% des entreprises). On leur préfère un traitement individuel et discrétionnaire, par des primes. Ceci ne condamne pas la voie française de l’intéressement, car toute réussite a une part collective. Mais la complexité du modèle français et son instabilité fiscale et réglementaire ont de quoi décourager d’éventuels imitateurs étrangers.
Plus grave, les entreprises françaises, elles aussi se découragent. Beaucoup d’entre elles ont une activité importante à l’étranger, où elles comptent de nombreux salariés. Comment, dès lors, justifier des dispositifs qui ne concernent que leurs salariés français ? Ou alors, comment surmonter les difficultés juridiques et fiscales d’une application à tous leurs salariés à travers le monde ? L’Europe devrait trouver là un beau terrain d’action, conforme à ses valeurs, unificateur du marché et favorable à la croissance. Et pourtant, elle ne fait rien, ou presque. Le groupe de travail, peut-être trop averti des lourdeurs bruxelloises, fait trois propositions « a minima », qui, au moins, faciliteraient les choses :
- adopter au niveau de l’Union Européenne le principe de l’imposition des gains résultant de plans d’actionnariat salarié au moment seulement où ces gains se concrétisent.
- créer des FCPE européens.
- harmoniser les règles de calcul de la valeur d’une action.
Finalement, c’est d’une autre façon, tout aussi lapidaire, qu’il faudrait résumer ce rapport : oui, la France est bien placée dans une politique qui a fait la preuve de son efficacité, celle du partage des profits ; oui, l’Europe serait bien inspirée de se saisir de ce sujet ; oui, il y des progrès rapidement efficaces et accessibles dans ce domaine.
Michel Bon - Président de Fondact